mercredi 22 juin 2016

Accentuer le soutien financier de l'Etat pour l'achat d'un VE y compris d'occasion ? (Propositions du comité d'évaluation des politiques publiques)

DÉPOSÉ PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air ET PRÉSENTÉ PAR MM. Jean-Louis ROUMÉGAS et Martial SADDIER Députés

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b. Un soutien au véhicule électrique qui reste faible au regard de son impact sur la pollution locale et de son potentiel de développement
Souvent présenté comme la meilleure solution pour assurer une mobilité propre, le véhicule électrique reste un achat très coûteux, en dépit des aides accordées. Par ailleurs, le bilan environnemental global de ce type de motorisation, de la production au recyclage, doit être nuancé.
• Un véhicule électrique (VE) non polluant à l’usage mais onéreux
Sur leur lieu d’utilisation, les véhicules électriques ont un bilan positif en termes de qualité de l’air. En effet, ils n’émettent aucun polluant à l’échappement, tandis qu’ils permettent de réduire les pollutions dues au freinage ou aux pneus, et ce pour trois raisons : l’absence d’embrayage, le recours au freinage récupératif, qui évite 80 % des freinages en récupérant, grâce à l’accélérateur, l’énergie cinétique, et l’utilisation de pneus à faible résistance.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), dans une analyse du cycle de vie des véhicules thermiques et électriques, a d’ailleurs estimé qu’en cas de durcissement des normes européennes sur la qualité de l’air, le second type de motorisation présenterait, dans les grandes villes, un « net avantage » sur son équivalent thermique (114).
L’impact positif du développement des véhicules électriques dans les zones urbaines densément peuplées a été confirmé par une étude prospective réalisée par le cabinet de conseil Aria Technologies. Les modélisations effectuées indiquent qu’un parc roulant composé, en 2020, de 20 % de ces véhicules dans le centre-ville de Rome aurait pour effet de réduire, de manière substantielle, au niveau de la rue, les concentrations de plusieurs polluants : – 34 % pour le NOX, – 33 % pour le monoxyde de carbone, – 29 % pour les PM10 et – 22 % pour les PM2,5 (115).
Le recours à cette technologie se heurte toutefois au prix d’achat des véhicules électriques, qui est extrêmement élevé – soit 30 000 euros en moyenne, la batterie coûtant, à elle seule, environ 10 000 euros. Combiné à une autonomie faible, actuellement limitée à 150 kilomètres avec une seule charge (116), cet élément explique la part très faible occupée par le véhicule électrique dans le marché : en 2015, seuls 22 000 de ces véhicules ont été vendus, ce qui représente moins de 1 % des ventes totales.
La part des immatriculations de véhicules électriques augmente cependant de façon rapide. Sur le premier trimestre 2016, cette part a été multipliée par deux par rapport au même trimestre de 2015 et a atteint 1,2 % (117). En outre, à moyen terme, les deux éléments négatifs que constituent le prix du véhicule électrique et sa faible autonomie devraient progresser dans un sens favorable au consommateur. Les constructeurs ont en effet annoncé la réduction par deux du coût de la batterie d’ici 2020, tandis que l’autonomie des prochains modèles devrait, à l’inverse, doubler d’ici 2017.
Par ailleurs, l’infrastructure nécessaire à l’utilisation du véhicule électrique se développe, grâce au soutien apporté par les collectivités territoriales et l’État – pour ce dernier, via une enveloppe spécifique de 50 millions d’euros au titre du programme d’investissements d’avenir – à l’installation de points de charge : au nombre de 12 000 environ, ceux-ci devraient atteindre les 20 000 en 2017. Les entreprises participent aussi à cet effort, comme EDF, avec le projet de « corridor électrique » sur les autoroutes, ou le programme d’investissement du groupe Bolloré, qui porte sur 16 000 stations de recharge payantes.
De plus, les perspectives offertes par le recyclage de la batterie pourraient conforter le marché du véhicule électrique, en réduisant le coût de cette composante. Les constructeurs envisagent d’employer cet élément comme une unité de stockage d’électricité, afin de renvoyer l’énergie non utilisée dans le réseau ou d’alimenter la consommation domestique. De tels développements exigeront toutefois de mettre en place des dispositifs de charge bidirectionnelle et d’inventer un modèle économique, dans lequel, par exemple, l’électricité réutilisée serait achetée au propriétaire du véhicule.
Enfin, compte tenu de son coût, le véhicule électrique, qui reste stationné 90 % du temps, doit avoir un taux d’utilisation élevé pour devenir rentable. Les solutions d’auto-partage s’avèrent donc particulièrement adaptées pour ce mode de transport et le rendent, pour cette raison même, attractif pour les personnes désireuses d’instaurer un autre type de rapport à l’automobile.
Ces paramètres devraient favoriser la demande en véhicules électriques. Mais la pénétration de ce type de motorisation restera encore faible pendant de longues années. Les scénarios les plus optimistes des constructeurs tablent, en effet, sur une part de marché qui ne représenterait que 10 % des nouvelles immatriculations de véhicules particuliers d’ici 2030.
Les dispositifs d’aide publique sont donc essentiels pour soutenir la filière, jusqu’à ce que la production atteigne un volume critique et que les constructeurs puissent réaliser ainsi des économies d’échelle, qui fassent baisser le coût des véhicules électriques.
Or le soutien public au véhicule électrique, qui est important, n’empêche pas que celui-ci reste, pour de nombreux ménages, un produit de luxe, dont le prix moyen à l’achat est ultra-dissuasif.
Certes, depuis la réforme du bonus-malus de 2015, le cumul maximum du bonus et de la prime à la conversion s’établit à 10 000 euros au bénéfice des acquéreurs de voitures électriques. Mais, au final, ce montant reste très éloigné des 30 000 euros que représente, en moyenne, l’achat d’un véhicule électrique, les 20 000 euros restants n’étant pas à la portée de tous les budgets.
On observera, pour conclure, que les problématiques du véhicule hybride rechargeable sont proches. Il est vrai que celui-ci pollue lorsqu’il est fait usage, sur les trajets les plus longs, du moteur thermique, mais, avec une batterie apportant environ 60 kilomètres d’autonomie, ce type de véhicule permet un usage 100 % électrique, avec zéro émission, en milieu urbain. Le coût moyen d’un tel véhicule – 42 000 euros – est toutefois encore plus élevé que celui des modèles électriques purs, surtout lorsqu’il est rapporté à la prime spécifique de 2 500 euros à destination des acquéreurs de voitures émettant de 21 à 60 grammes de CO2/km, ce qui correspond aux véhicules hybrides n’utilisant pas le gazole.
• Un bilan environnemental global de la filière à nuancer
Le bilan écologique du cycle de vie (de la production au recyclage) des voitures électriques a été peu étudié. En effet, il n’y a pas d’autre évaluation que celle établie par l’ADEME en 2013, qui a déjà été citée. Or cette analyse conduit à nuancer l’impact positif de ce type de motorisation pour deux raisons :
– la contribution de la phase de fabrication au potentiel de changement climatique est significativement plus importante pour le véhicule électrique (69 %) que pour le véhicule thermique (15 %). La production de la batterie représente, à elle seule, 35 % de la contribution du véhicule électrique à l’effet de serre. Cependant, à l’usage, ce type de véhicule permet un gain environnemental certain. Sa contribution au changement climatique est alors estimée à 9 tonnes d’équivalent CO2, contre 22 tonnes pour un véhicule thermique ;
– le potentiel d’acidification atmosphérique du véhicule électrique, c’est-à-dire d’augmentation de la teneur en substances acidifiantes dans la basse atmosphère, à l’origine des pluies acides, est plus élevé que celui du véhicule thermique. Cette différence résulte notamment des émissions de dioxyde de soufre (SO2) provenant de la production du cobalt et du nickel utilisés dans la batterie (118).

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a. Accélérer le renouvellement du parc par des aides plus incitatives
En aucun cas, la limitation de la diéselisation du parc, via des mesures fiscales – un sujet qui, comme on l’a vu, fait débat entre les rapporteurs – ne pourrait, à elle seule, suffire à améliorer la qualité de l’air, compte tenu du temps de renouvellement du parc.
En effet, l’âge moyen de sortie du parc est d’environ quatorze ans pour les véhicules particuliers. On estime par ailleurs que, sur environ 32 millions de véhicules particuliers, 6 millions pourraient être des diesel de plus de dix ans, soit 19 % du parc total. À Paris même, 16 % des voitures pourraient être des diesel immatriculées avant le 1er janvier 1997 (17 % en petite et grande couronnes) (135).
Au vu de ce contexte, l’enjeu premier est bien de retirer de la circulation l’ensemble des véhicules les plus émetteurs, ce qui pourrait être fait en utilisant trois outils.
• Instaurer un bonus-malus « polluants atmosphériques »
Le mécanisme du bonus-malus, qui a permis de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone, devrait jouer aussi en faveur de la qualité de l’air, en encourageant la réduction des polluants atmosphériques.
Dans ce but, plutôt que de concevoir un outil complexe dont les conditions d’éligibilité combineraient deux paramètres, le gaz carbonique et les polluants, il serait plus simple d’instaurer, à côté du bonus-malus actuel, centré sur le CO2, un second dispositif, qui combine aide à l’achat d’un véhicule émettant peu de polluants atmosphériques et majoration du prix d’un véhicule en émettant beaucoup. Les deux objectifs – la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de qualité de l’air – seraient ainsi traités de manière identique.
Les conditions d’éligibilité du bonus-malus « polluants atmosphériques » seraient fondées sur les critères, qui seront définis par un décret, des véhicules à très faibles et faibles émissions de polluants atmosphériques, mentionnés respectivement aux articles 36 et 37 (ce dernier étant repris à l’article L. 224-7 du code de l’environnement) de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ces véhicules bénéficieraient donc d’un bonus, tandis que tous les autres seraient « malusés ».
• Instaurer une prime à la casse ciblée
La prime à la casse est un dispositif coûteux. À titre d’illustration, celle mise en place en 2009 a mobilisé, sur deux ans seulement, plus de 1,2 milliard d’euros. Instaurer une prime à la casse dont l’objectif serait de retirer de la circulation toutes les catégories de véhicules polluants rendrait le coût « unitaire » de la réduction des émissions extrêmement élevé.
Il serait donc plus opportun d’instaurer une prime à la casse ciblée sur les véhicules les plus polluants, à savoir les poids-lourds, les véhicules utilitaires légers (VUL) et les flottes d’autocars qui roulent au gazole et dont les seuils d’émission correspondent aux normes Euro les plus anciennes.
• Étendre la prime à la conversion aux véhicules électriques d’occasion
La stratégie pour le développement de la mobilité propre fixe un objectif de 1,9 million de véhicules électriques en 2030 (2,5 millions pour les véhicules hybrides rechargeables). Le marché du véhicule électrique reste cependant un marché émergent, donc fragile. Son développement ne peut, de surcroît, s’appuyer sur la vente de véhicules électriques d’occasion, alors que les premiers d’entre eux, correspondant aux modèles immatriculés en 2010 ou 2011, sont apparus l’année dernière.
En effet, pour plusieurs raisons, qui tiennent notamment aux craintes des acheteurs relatives à la fiabilité des véhicules et à la longévité de la batterie, les véhicules électriques semblent subir une forte décote à la revente. Or, le stockage d’un véhicule invendu étant coûteux, les professionnels hésitent à vendre des modèles dont la valeur résiduelle ne permet pas de prévoir une revente rapide.
Pour lever ce blocage et inciter, dans le même temps, les ménages aux moyens limités à passer au véhicule électrique, la prime à la conversion de 3 700 euros réservée à l’achat d’un véhicule électrique neuf devrait être étendue à l’acquisition d’un véhicule d’occasion ayant cette motorisation. Bien entendu, ce nouvel avantage devrait être conditionné à la reprise d’un vieux véhicule diesel.
Proposition n° 8 : rendre les aides au renouvellement du parc des véhicules routiers plus incitatives :
– créer un bonus-malus centré sur la lutte contre la pollution atmosphérique (NOx et particules) en basant ses critères d’éligibilité sur les niveaux d’émission des polluants de véhicules ;
– instituer une prime à la casse ciblée sur les véhicules très polluants (poids-lourds, véhicules utilitaires légers et flottes d’autocars anciens roulant au diesel) ;
– étendre la prime à la conversion à l’achat de véhicules électriques d’occasion.

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